Lou Hocquet Interiors

Vous pouvez dire Non

Le silence en réponse, c’est quelque chose que je n’avais pas vraiment expérimenté dans ma vie d’entrepreneure jusqu’à présent. Tant dans mon activité de prof de pole dance que dans mon e-commerce de chaussures, je n’avais jamais eu à faire de devis ni à attendre une réponse. La décision d’achat était déjà prise en amont.

Mais quand j’ai monté mon activité de design d’intérieur, je me suis retrouvée à plusieurs reprises face à des personnes dont la démarche n’était pas tout à fait aboutie, et pour lesquelles j’ai dû attendre une réponse à mes propositions. Et pour certaines, j’attends toujours.

Outre l’incertitude et l’incompréhension face à ce silence, je ressens une certaine frustration de ces ghostings, et j’ai l’impression qu’on me manque de respect : envers mon travail et le temps que j’ai passé à rédiger une proposition commerciale, mais aussi personnellement, comme ce sentiment désagréable d’être laissée en “vu” dans une conversation WhatsApp.

Je visualise une discussion dans la vraie vie où, après avoir dit quelque chose, l’interlocuteur tournerait les talons sans un mot, me laissant plantée là, comme deux ronds de flan.

Alors qu’un simple « non (merci) » suffirait à clore la discussion et me permettrait de passer à autre chose.

Pourquoi ça me blesse ?

Parce qu’un devis, ça représente un travail, une écoute du besoin de l’autre, une analyse de son projet, une réflexion sur les problématiques… et le chiffrage qui l’accompagne.

Parce que l’absence de réponse, c’est le flou : ce n’est pas un oui, mais ce n’est pas un non non plus. Il y a un flottement inconfortable et un (long) questionnement.

“Est-ce que cette personne a bien reçu ma proposition ?”
“Est-ce que j’ai fait une erreur dans ma compréhension de sa problématique ?”
“Peut-être traverse-t-elle une situation personnelle qui fait qu’elle n’a pas eu le temps de répondre ?”
“Dois-je lui laisser encore du temps pour me répondre, ou puis-je libérer mon calendrier pour d’autres projets ?”

Parce que je veux croire que n’importe qui, conscient du temps que j’ai consacré à cette proposition, ne me laisserait pas dans cette incertitude. Ça tombe sous le sens, non ?

Dire non, c’est permettre à l’autre d’avancer.

C’est respecter le temps et l’énergie de l’autre et le libérer de l’attente. C’est clarifier la situation pour que chacun puisse continuer son chemin. Ce n’est pas forcément un refus violent ou désagréable, ça veut juste dire “Je ne souhaite pas aller plus loin” et c’est ok.
On a le droit de ne pas avoir envie, de ne pas avoir le budget, d’avoir changé d’avis ou n’importe quelle autre raison que ce soit.

En relisant ces lignes, il m’apparaît clairement le parallèle entre cette situation et bien d’autres aspects de la vie.

Ça s’applique à toutes nos relations avec les autres :
“Ça te dit qu’on se revoit ?”
“Dispo pour une expo samedi prochain ?”
“Tu veux participer à la cagnotte pour le pot de départ de Jean-Marc ?”

Quand on n’a pas envie de dire oui, souvent on ne dit rien. On fait semblant de ne pas avoir vu le message, ou, acculé par une relance ou à la machine à café, on répond d’un “J’te tiens au jus !” qui, admettons-le, ne sera jamais suivi de rien.

Pourquoi c’est si dur de dire Non ?

Pour essayer de comprendre, j’ai cherché à savoir si, à leur place, j’aurais réagi différemment. Et j’ai repensé à ces moments où, moi aussi, j’ai esquivé une réponse ou laissé un message sans suite, faute d’envie, d’énergie ou de courage.

En réfléchissant à toutes les fois où je n’ai pas osé dire Non, j’ai identifié plusieurs cas de figure : la peur de blesser l’autre, la peur de sa réaction (colère, jugement, violence [là, on est d’accord, ça s’applique à un domaine bien différent de mes envois de devis]), la culpabilité d’avoir donné de faux espoirs, la peur de dégrader la relation existante, la crainte que la personne en face essaye de me convaincre et qu’il me faille encore plus d’énergie pour refuser, la perspective de devoir me justifier en détail, ou encore l’idée que mon refus ne soit pas entendu ou respecté… Il y en a tellement !!

On peut analyser les causes de ces sentiments, clairement induits par notre modèle social qui valorise le Oui, et c’est un débat passionnant que je serais ravie d’avoir avec vous un autre jour.

Comment dire Non ?

Mais comment dire Non alors, en évitant ces situations délicates/blessantes/épuisantes ? Comment formuler clairement son refus sans passer pour un(e) impoli(e) ?

On peut utiliser la technique, très utilisée en management, dite “du sandwich” (entourer la partie négative de deux choses positives) :

“Super, merci pour ta proposition ! Ce n’est malheureusement pas dans mon budget actuellement, mais je garde tout ça en tête si jamais ma situation évolue.”

À défaut de trouver ou de vouloir donner 2 choses positives, on peut décider d’une variante, que j’ai décidé de nommer (en clin d’œil à mon pays de cœur) : la technique de la Bruschetta : une tranche de Non imbibée d’un filet de tact et parsemée de morceaux de gentillesse.

“J’ai passé un moment agréable mais je ne ressens pas l’envie de poursuivre.”

Vous pouvez aussi dire : “Merci, mais ce n’est pas dans mes priorités actuellement.”

En résumé, tant qu’on est honnête, clair et bienveillant, dire Non ce n’est pas aussi brutal que l’on se l’imagine.

Et si vous ne savez pas comment le formuler, demandez à ChatGPT : il est dispo H24 et ne vous ghostera pas.

Et si on changeait ?

Quand j’aborde le sujet avec d’autres entrepreneurs, j’ai souvent cette réponse un peu fataliste “Eh oui, mais malheureusement, c’est comme ça !” et je me demande si je ne suis pas un peu naïve de vouloir que ça change.
Mais bon, on a bien réussi à changer des choses bien plus profondes dans nos sociétés… alors pourquoi pas ça ? Après tout, on est censés être des adultes capables de se parler avec respect, pas de se boucher les oreilles en chantant “Lalalalala”.

Alors voilà, ce texte, c’est ma façon d’ajouter ma voix. Peut-être que ça parlera à d’autres. Peut-être que non. Mais si ce partage peut semer ne serait-ce qu’un petit doute, une réflexion ou une envie de faire autrement chez quelqu’un, ce sera déjà une belle victoire pour moi.

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